« Je ne veux plus trop tirer sur la corde »
Depuis fin décembre, je vis avec deux stomies. Une solution de secours, pour gagner du temps. Mais il semble de plus en plus inévitable qu’une partie malade de mon intestin doive être retirée. Il me restera alors quatre mètres d’intestins sains…
D’une à deux stomies
Je portais une poche depuis un moment, pour mettre au repos la partie malade de mes intestins. Mais la nature est bien faite – même si ça ne m’arrange pas dans ce cas-ci : on s’est aperçus que mon corps avait reconstitué un passage entre la partie malade de mon intestin et l’anus, censé être sténosé. Or, le but était que tout soit évacué par la poche, et non par le bas. Résultat : il a fallu me placer une autre stomie à un niveau plus haut de l’intestin. Je porte désormais une poche là et une autre – plus petite – là où la première stomie avait été pratiquée. Ça veut dire qu’il y a un double entretien à faire. Ennuyeux, mais pas insurmontable.
J’ai bien récupéré de cette intervention, notamment parce qu’elle a été faite par laparoscopie. Ces opérations consistent à pratiquer une petite ouverture dans l’abdomen avant d’y introduire une caméra. Une laparoscopie est donc beaucoup moins invasive qu’une opération ‘classique’. Dès lors, j’ai eu peu de douleurs et je me suis vite rétabli. J’ai repris le travail un mois plus tard.
Trois mètres d’intestins malades
Avec l’intervention et le traitement que je prends aujourd’hui, ma situation s’est stabilisée. Mon gastro-entérologue du CHU de Liège est très impliqué dans des recherches sur les MICI. Il suit de près l’évolution des traitements. Pour l’instant, deux nouveaux traitements prometteurs sont en train d’être lancés. Le premier est un traitement qui réduit l’immunité, mais ce type de traitement n’est pas top pour moi ; j’ai tendance à développer le zona quand j’en prends. L’autre traitement, on le garde en réserve pour le cas où mon traitement actuel ne fonctionnerait plus au bout d’un moment.
De toute façon, il faut se rendre à l’évidence : il y a peu de chances que la partie malade de mon intestin se remette. Dans un avenir assez proche, je vais donc probablement devoir subir une nouvelle opération, bien plus lourde. Il faudra alors retirer les trois mètres d’intestins malades, ce qui me laissera quatre mètres d’intestins sains. On voulait éviter d’en arriver là, mais ça semble de plus en plus inévitable. Le risque de développer un cancer est trop grand.
La peur de l’absentéisme
Je vais malgré tout bien mieux depuis l’opération et ma condition physique s’est nettement améliorée. Mais même si j’ai repris le sport, j’ai décidé de ne plus trop tirer sur la corde. J’évite les défis extrêmes car avec le recul, j’ai remarqué que mes dernières crises étaient toujours survenues quelques mois après un tel défi. Il n’y a rien de prouvé, mais je ne peux m’empêcher de faire le lien.
En plus, même si je me porte globalement bien, j’ai eu deux occlusions depuis mon opération : un blocage du passage entre l’intestin et la stomie, dû à une inflammation aigüe. Pendant deux jours, je n’ai plus pu manger ni boire, j’étais sous perfusion. Et chaque fois, j’ai dû m’absenter une semaine du travail, alors que j’avais déjà été en congé maladie un mois au début de l’année…
J’ai la chance d’avoir un employeur qui accepte ma maladie. Je l’avais informé de ma maladie de Crohn lors de mon recrutement, car je ne voulais pas me faire reprocher quoi que ce soit plus tard. J’ai été engagé, mais je ne suis pas sûr que ce serait encore le cas aujourd’hui.
Heureusement, on est une équipe de quatre et mes collègues peuvent me remplacer si je suis absent. Mais bien sûr, je ne suis pas à l’aise à l’idée d’être absent. Quand on a ce type de maladie, on veut prouver qu’on reste au top malgré les absences. Et encore plus quand on est perfectionniste comme moi.
Prochain défi : le mont Toubkal
Aujourd’hui, je veux vraiment essayer d’éviter les crises. Je fais très attention à mon alimentation : j’évite la nourriture épicée et je me limite à un verre de vin ou une bière. Dernièrement, j’ai renoncé aussi à une nouvelle aventure avec des amis, qui me proposaient de faire l’ascension du Kilimandjaro, en Tanzanie. Je me suis imaginé avoir tout à coup une occlusion à plus de 5.000 mètres d’altitude, loin de tout… trop risqué.
Je me rabats sur le mont Toubkal, le sommet du Maroc, qui semble plus accessible. Ce sera pour le mois de novembre ! Et non, je ne suis pas frustré. Au niveau sportif, je pense m’être largement prouvé, j’ai réalisé pas mal d’exploits et j’ai atteint ce que je voulais atteindre. Il est temps de lever – un peu – le pied !