Bouger, Crohn & rectocolite : tout bénéfice pour votre santé
Bouger quand on a la maladie de Crohn ou une rectocolite? Certains relèvent courageusement le défi, tandis que pour d’autres, cela semble une mission impossible. Pourtant, les études le prouvent : bouger est bénéfique de différentes manières pour les personnes atteintes de la maladie de Crohn ou d’une rectocolite. Pourquoi ? Lucie Monin, coordinatrice des projets MICI au CHU de Liège, et Sophie Vieujean, gastro-entérologue au même hôpital, nous l’expliquent.
Quand la fatigue tue la motivation
L’équipe MICI du CHU de Liège fait face au même constat que celles d’autres hôpitaux : leurs patients atteints de la maladie de Crohn ou de rectocolite ne bougent pas assez. Voire plus du tout. « Il y a différents freins à l’exercice », constate le Dr. Sophie Vieujean, gastro-entérologue et clinicienne chercheuse. « En période de poussée, les douleurs abdominales et articulaires empêchent souvent les gens de faire du sport, sans oublier les urgences fécales fréquentes. En période de rémission, c’est surtout la fatigue résiduelle qui démotive les gens. »
Mais d’où vient cette fatigue, si souvent ressentie par les patients MICI ? Dr. Vieujean : « En général, elle est multifactorielle. Si le patient est en poussée, elle est vraiment liée à l’état inflammatoire. Si le patient est en rémission, la fatigue peut être liée au traitement, à des carences nutritionnelles, à un manque de sommeil. Dans certains cas, elle reste inexpliquée. Enfin, le manque de sommeil dû aux douleurs ou au stress joue lui aussi un rôle. »
Ce cocktail néfaste finit par provoquer un cercle vicieux, comme l’explique Lucie Monin, coordinatrice des projets MICI et responsable de l’éducation des patients : « Certaines personnes n’osent plus sortir de chez elles. Et moins on en fait, moins on a envie d’en faire. Le problème devient motivationnel et certains finissent par ne presque plus bouger. »
Pourquoi l’exercice est essentiel pour lutter contre les MICI
Si ces craintes et ces freins sont compréhensibles, les études prouvent que l’exercice réduit les symptômes des MICI. Le Dr. Vieujean explique pourquoi : « L’activité physique modifie le microbiote intestinal, qui joue un rôle important dans ce type de maladie. On pense aussi que les muscles libèrent toute une série de substances, appelées myokines, qui pourraient jouer un rôle sur l’intestin. Enfin, la graisse abdominale pourrait jouer un rôle pro-inflammatoire dans ces maladies. »
Outre son influence directe sur la maladie, l’exercice agit aussi de manière indirecte, car il est bénéfique pour le mental et réduit le stress – ce dernier étant justement un facteur aggravant de la maladie.
Alors, est-ce toujours une bonne idée de bouger ? « Il n’y a vraiment aucune contre-indication ! Les bénéfices dépassent toujours les risques », rassure Lucie Monin. « Du moment que l’activité physique est adaptée à la personne. Certains de nos patients sont des sportifs de haut niveau, mais bien sûr, ça ne doit pas être l’objectif de tout le monde. Il faut savoir écouter son corps. »
Le Dr. Vieujean confirme : « Les seuls cas où on déconseille de faire du sport, c’est quand une personne vient de subir une opération ou une poussée sévère. Sinon, bouger ou pratiquer un sport de manière modérée est toujours bénéfique. Par contre, le sport intensif peut avoir un impact plutôt négatif. C’est à voir au cas par cas. »
Faire du sport avec une stomie ou une poche?
Et qu’en est-il des personnes vivant avec une stomie ou une poche ? Celle-ci est souvent la peur ultime des patients atteints de MICI. Apprendre à vivre et à bouger avec une stomie ou une poche est tout un apprentissage. « Au début, certains sont tétanisés par leur stomie », explique Lucie Monin. « Nous les accompagnons dans le processus d’acceptation, de résilience. Là aussi, le mental joue un rôle important : un déclic doit se faire pour que les patients apprennent à vivre avec leur maladie et leur stomie, à ne plus les subir. Une fois qu’ils y sont habitués, ils sont souvent tellement soulagés que grâce à la stomie, ils retrouvent le courage de bouger. Beaucoup se sentent tranquillisés, car la stomie écarte le risque d’accident. »
Recommencer à bouger
Justement, comment reprend-on l’exercice après une longue période d’inactivité ? Lucie Monin : « Au début, il faut reprendre en douce, se fixer de petits objectifs. Parmi nos patients, nous voyons les deux extrêmes : autant certains sont incroyablement impatients et veulent des résultats tout de suite, autant d’autres n’arrivent plus jamais à se remettre au sport. »
« Au CHU de Liège, nous avons mené une étude pour savoir quels sports étaient les mieux adaptés aux personnes atteintes de MICI », poursuit Lucie Monin. « Ayant constaté que le manque de mouvement est un problème motivationnel avant tout, nous avons cherché les meilleurs moyens de remotiver les patients. »
C’est de là qu’est né le Mici Move, une initiative du CHU de Liège qui vise à remettre en mouvement les personnes atteintes de MICI. Certaines activités sont régulières, comme des séances de yoga en groupe ou la revalidation avec des kinés. En plus, l’équipe MICI organise des événements ponctuels, comme le MICI Move Trophy, des balades… L’équipe s’est même lancée dans un raid en Laponie, pour sensibiliser le grand public et inspier les patients.
D’après Lucie Monin, reprendre le sport dans un cadre sécurisant est crucial pour les patients MICI. Les cours de yoga en sont un bon exemple : « Ce cours entre patients atteints de MICI lève les freins psychologiques. Car dans ce groupe, il n’y a forcément ni tabou ni gêne autour de la maladie. Si vous partez en pleine séance parce que vous avez un besoin urgent, personne ne vous regardera de travers. Et puis c’est un lieu d’échange entre patients. »
Conseils pratiques
Et si on veut reprendre une activité physique en dehors du cadre hospitalier ? « Créer un sentiment de sécurité est vraiment important », affirme Lucie Monin. « Pensez à vous munir de protections si nécessaire, ou si cela peut vous tranquilliser. Vous partez vous promener dans les bois ? Prenez un paquet de mouchoirs au cas où. Dans une salle de sport, repérez les toilettes. »
« N’oublions pas non plus que l’exercice, ce n’est pas que faire du sport. C’est bouger, d’une manière générale : garer sa voiture plus loin pour marcher un peu, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, se laver les dents sur une jambe… Bouger, c’est vraiment à la portée de tout le monde ! », conclut Lucie Monin.