Les MICI ne se limitent pas aux intestins

ID/ Hannes Blockx

La journée des patients de l’UZ Gent portait sur l’approche multidisciplinaire de l’équipe MICI. Une approche nécessaire, comme le soulignait la professeure Triana Lobaton : « Jusqu’à 30 % des patients atteints de rectocolite et 40 % des patients atteints de la maladie de Crohn souffrent de symptômes en dehors des intestins. »

La professeure Triana Lobaton est la première intervenante de la soirée.  Devant une salle comble – 200 personnes s’étaient inscrites -, elle a tout d’abord partagé quelques faits intéressants sur les MICI. « La rectocolite hémorragique a été décrite pour la première fois en 1875. Quant à la maladie de Crohn, elle n’est connue que depuis 1932, quand le médecin américain Burrill Bernard Crohn et ses collègues ont décrit les inflammations intestinales associées à la maladie. »

Aucune cause connue, mais des facteurs de risque

On ne connaît pas la cause exacte de ces deux maladies intestinales chroniques. Mais selon la professeure Lobaton, il existe trois facteurs de risque : l’environnement, la génétique et le microbiome intestinal. « En outre, l’hypothèse de l’hygiène a été fort étudiée ces dernières années : une meilleure hygiène permet de réduire l’occurrence des maladies infectieuses, mais augmente celle des maladies auto-immunes. »

Le stress métabolique provoqué par les régimes occidentaux malsains joue probablement aussi un rôle majeur. « Il peut expliquer pourquoi la maladie est tellement plus répandue en Occident. Même si les chiffres s’y stabilisent. Aujourd’hui, c’est surtout dans les pays récemment industrialisés qu’on note une forte augmentation des cas. »

La maladie de Crohn et la rectocolite : différences

La maladie de Crohn et la rectocolite sont toutes deux des maladies chroniques de l’intestin, mais elles se distinguent par des différences importantes. Pour en savoir plus, lisez ceci.

L’équipe MICI ne s’intéresse pas qu’à vos intestins

Outre leurs problèmes intestinaux, certains patients souffrent d’autres maux en dehors des intestins. Lisez-en plus ici sur ces maux.

« Les MICI sont bien plus qu’une maladie intestinale », conclut la professeure Lobaton. « L’équipe MICI examine vos intestins, mais travaille aussi en étroite collaboration avec des gynécologues, des ophtalmologistes, des psychologues, des diététistes, des pédiatres, des infectiologues, des radiologues, des dermatologues, des chirurgiens, etc. »

Vous pouvez vous adresser pour pratiquement tous vos problèmes ou questions au personnel soignant MICI. Goedele Dewitte et Soumaya Akhayad de l’UZ Gent optent pour une approche holistique. « C’est une approche très axée sur l’humain : nous considérons les personnes dans leur ensemble. » Elles cherchent ainsi à améliorer votre qualité de vie. « Nous sommes les premières personnes de contact, très accessibles. Pour les patients, mais aussi leurs proches, leurs employeurs, les pharmaciens. Nous vous aidons avec vos médicaments et l’administration et si nécessaire, nous vous envoyons consulter un(e) gynécologue ou un(e) diététicien(ne). N’hésitez pas à venir nous parler.

Elles ne travaillent donc pas seulement avec des médecins, mais aussi avec des diététistes, par exemple. Comme Jemina Van Loo, diététicienne spécialisée dans les MICI à l’UZ Gent : « Mon rôle n’est pas d’aider les gens à perdre du poids, mais de les aider à adopter un mode de vie sain. Que vaut-il mieux manger avant et après une opération ? Ou pendant une poussée ? Qu’est-ce qu’un aliment pauvre en fibres ? Que manger quand on porte une stomie ? Toutes ces questions, vous pouvez me les poser. »

Lisez-en plus ici sur l’alimentation.

Traitement : pas que des médicaments

Jeroen Geldof est gastro-entérologue à l’UZ Gent. Il évoque les différents traitements : « On utilise divers produits pour le traitement, dont les biologicals et small molecules. Ces médicaments ont pour objectif de freiner le système immunitaire, afin d’éviter ou de réprimer les inflammations de l’intestin. »

Les globules blancs jouent un rôle important dans l’inflammation, alors les traitements en tiennent compte. Dr. Geldof : « Ils agissent de deux manières : certains médicaments bloquent le fonctionnement des globules blancs lors de la réaction inflammatoire de la paroi intestinale ; d’autres évitent le déplacement des globules blancs des vaisseaux sanguins à la paroi intestinale, afin qu’ils ne puissent pas participer à la réaction inflammatoire.» 

Le but ultime du traitement est d’arriver à une rémission. « Et c’est encore mieux si nous ne voyons plus rien dans vos intestins, même pas au microscope. »

Le type de traitement privilégié dépend de nombreux facteurs. « La décision se fait en consultation avec vous et de nombreux autres spécialistes : nous consultons votre dermatologue, rhumatologue, gynécologue, chirurgien, infirmier(e) MICI, diététiste, etc. »

L’avenir semble prometteur en termes de médicaments : « Rien que cette dernière année, il y a eu autant d’études qu’au cours des dix dernières années. Participer à une telle étude n’est pas toujours judicieux : si le traitement que vous prenez actuellement fonctionne bien, mieux vaut ne pas en changer. »

L’opération : un mal nécessaire ?

Il existe toujours plus de traitements pour vous éviter des complications. Mais si aucun médicament ne fonctionne assez bien, la chirurgie est inévitable, explique Dirk Van de Putte, chirurgien colorectal. « Il est très important de ne pas trop reporter cette opération, au risque d’avoir des complications à long terme. La bonne opération au bon moment, c’est l’approche à suivre. »

 1. La maladie de Crohn

Voici les complications qui devraient vous faire envisager une intervention chirurgicale :

  • En cas d’abcès périanal. Dr. Van de Putte : « C’est une cavité purulente, entre les intestins et l’anus, qui conduit souvent à une fistule, un canal entre l’intestin et l’anus. C’est souvent le premier symptôme de la maladie de Crohn. Lors d’une opération, on draine le pus et on cherche la fistule. Ce n’est pas facile, et on ne peut que rétrécir la cavité, pas la guérir. Les options de traitement ne sont pas nombreuses pour l’instant, bien qu’il existe des études prometteuses sur les cellules souches.
  • En cas de fistulisation. Dr. Van de Putte : « Quand différentes fistules se rejoignent, on parle de fistulisation. Dans ce cas, une intervention chirurgicale est recommandée. »
  • En cas de rétrécissement ou de sténose. L’inflammation des intestins génère des tissus cicatriciels, ce qui entraîne parfois un rétrécissement de vos intestins. Dr. Van de Putte : « Aucun médicament ne peut résoudre cela. Quand de tels problèmes de passage surviennent et que la pression devient trop forte, l’intestin se dilate comme un ballon. À ce stade, une opération est nécessaire. »

Quelles opérations existent ?

La résection : Dr. Van de Putte : « On retire un morceau d’intestin et on referme l’intestin à l’aide d’agrafes, ou on le recoud. »

L’élargissement : l’ablation n’est pas la seule option, une autre possibilité est d’élargir l’intestin par une stricturoplastie. Dr. Van de Putte : « Ensuite, on rapproche et on connecte deux segments rétrécis. »

La stomie : « On en parle souvent, mais on la pratique rarement. Parfois, elle est inévitable », explique le Dr. Van de Putte. Lisez -en plus ici sur les stomies[JF1] . Tant avant qu’après votre opération, un(e) infirmière(e) en stomatologie, comme Jens De Waepenaere, vous accompagne à l’UZ Gent. « Nous vous préparons à votre opération et vous soutenons après. Vous pouvez toujours nous contacter en cas de problème ou de question. »

2. Rectocolite

Les personnes atteintes d’une rectocolite ont moins souvent besoin d’une intervention chirurgicale. Mais elle s’avère nécessaire si les médicaments n’ont aucun effet lors d’une poussée aigüe, si des complications surviennent parce que la maladie a été mal traitée ou s’il y a une perforation intestinale. Dans ce cas, on pose une poche. Voici tout ce qu’il faut savoir sur les poches.

Maladie de Crohn, rectocolite et santé mentale

L’équipe multidisciplinaire de l’UZ Gent se penche sur la santé physique, mais aussi sur la santé mentale. « Si vous souffrez de la maladie de Crohn ou d’une rectocolite, vous vivez dans des conditions anormales, et celles-ci nécessitent des ajustements spécifiques », explique Wim Schrauwen, psychologue de l’UZ Gent. « Votre tête est inextricablement liée à votre corps. Votre maladie affecte votre santé mentale, et vice versa. »

« Ce qui nous arrive, nous le traitons, nous l’interprétons. Nous nous en inquiétons », poursuit Wim. Comment interrompre ces ruminations incessantes ? « L’adaptation émotionnelle est un bon réflexe : racontez votre histoire, par exemple à un(e) psychologue. Cela peut vous aider à organiser vos pensées. »

Pensée axée sur les solutions

Wim recommande de ne pas se concentrer sur les problèmes, mais sur les solutions. « Qu’est-ce qui est important pour moi ? Quelle est ma force, qu’est-ce qui me donne de l’énergie ? La méthode des balles de ping-pong est une belle image : prenez un grand bocal et remplissez-le de balles de ping-pong. Si vous ajoutez du sable, il se glissera entre les balles de ping-pong. Par contre, si vous mettez d’abord du sable dans le bocal, vous ne pourrez plus y ajouter les balles de ping-pong. Les balles de ping-pong symbolisent ce qui est important pour vous. Mettez d’abord vos valeurs fondamentales dans le bocal, et ensuite seulement, faites de la place pour autre chose. »