Maladie de Crohn et rectocolite : comment diminuer la fatigue ?

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Pour bon nombre de patients atteints de la maladie de Crohn ou de rectocolite, la fatigue est un véritable fléau. Comment expliquer que la fatigue perdure même quand la maladie est en rémission ? Et que peut-on faire pour y remédier ? La professeure Catherine Reenaers, gastro-entérologue au CHU de Liège, et Laurent Moor, coach spécialisé dans la fatigue, répondent à ces questions.

C’est au cours d’un webinaire organisé par l’association de patients Crohn-RCUH que ces réponses seront abordées. Katleen Franc, présidente de l’association, entame le webinar en témoignant de ce qu’elle entend souvent de la part des membres : « Quand on a la maladie de Crohn ou une rectocolite, la fatigue est parfois le seul symptôme qui persiste en période de rémission. Et il est très handicapant : il nuit à la vie sociale et à la productivité, empêche de faire de l’exercice, etc. Et le plus frustrant, c’est qu’aucun traitement n’existe pour remédier à cette fatigue. »

D’où vient la fatigue liée aux MICI ?

Mais qu’est-ce qui provoque cette fatigue ? « On a des pistes pour l’expliquer », explique la Prof Reenaers : « En période de poussée, les inflammations et les carences liées à l’adaptation de l’alimentation ou aux diarrhées jouent un rôle majeur. En plus, si on doit se lever tout le temps pour aller aux toilettes la nuit, c’est forcément épuisant. C’est pourquoi 90 % des patients atteints de la maladie de Crohn ou d’une rectocolite sont fatigués en période de poussée. »

Mais pourquoi la fatigue persiste-t-elle en période de rémission ? Les médecins se sentent souvent impuissants face à cette question. Prof Catherine Reenaers : « 30 à 60 % des patients en rémission vivent en situation de fatigue chronique. C’est difficile à expliquer, mais de plus en plus, la recherche se penche sur la question. D’ailleurs, toutes les nouvelles études portant sur de potentiels nouveaux traitements s’intéressent à leur impact sur la fatigue. Parce qu’aujourd’hui, on se rend compte que la fatigue liée aux MICI a un impact sur la qualité de vie. On veut donc aller plus loin que simplement limiter les symptômes aigus de la maladie, comme les diarrhées. »

Yoga, compléments alimentaires : efficaces contre la fatigue ?

Aujourd’hui, on veille donc à prescrire des traitements qui au moins, n’empirent pas la fatigue. Mais comme aucun traitement ne permet de réduire cette fatigue, il faut explorer d’autres pistes. La Prof Catherine Reenaers revient sur des solutions ou approches non médicamenteuses qui ont été testées : « On a étudié l’effet d’alternatives comme le yoga, l’acupuncture… Les résultats indiquent qu’ils réduisent le stress des patients, mais leurs effets directs sur la fatigue elle-même ne sont pas concluants. »

Et les compléments alimentaires ? « Ils ne sont indiqués que si on manque vraiment de nutriments comme le fer, l’acide folique ou autres. Sinon, il n’existe aucune preuve scientifique de l’efficacité de ces compléments dans le cadre de la maladie de Crohn ou de la rectocolite. »

Mettre des mots sur sa fatigue

Le troisième intervenant de la soirée est Laurent Moor, coach fatigue et fondateur de la Clinique de la Fatigue. D’après lui, la première étape consiste à identifier la nature exacte de sa fatigue et à comprendre son impact sur notre vie. « Bien souvent, les patients MICI sont habitués à la fatigue. Au point de ne plus se rendre compte de ses impacts multiples : difficultés d’expression et de concentration, irritabilité, anxiété… On finit par se replier sur soi et porter sa fatigue comme un escargot sa coquille. En bref, la fatigue est un véritable cercle vicieux qui peut aboutir à la dépression. »

La Prof Catherine Reenaers confirme cet effet de cercle vicieux, en rappelant que la fatigue et le stress peuvent aller jusqu’à favoriser de nouvelles poussées. Mais l’inverse est vrai aussi : « Je l’ai vu chez des patients qui avaient éliminé de grosses sources de stress », raconte la Prof Catherine Reenaers. « Certains ont pris leur retraite, d’autres ont divorcé, une patiente s’est mise à la sophrologie, par exemple… Chaque fois, ces changements radicaux dans leur vie ont eu un impact positif, la maladie a évolué positivement après. »

Pour évaluer l’impact de la fatigue, entre autres sur votre vie sociale et familiale, votre énergie et votre image de vous-même, Laurent Moor conseille d’utiliser certains outils, comme l’IBD Disk, par exemple. L’idéal est de refaire le test chaque mois pour mesurer l’évolution de la fatigue. D’une fatigue chronique gérable au burn-out… ou au bore-out. Car la solitude et l’ennui sont des menaces aussi graves pour la santé mentale que le stress et les conflits. The IBD disk est disponible sur l’ application For You With You.

Quelles ressources contre la fatigue ?

Laurent Moor énumère six ressources pour lutter contre la fatigue liée à la maladie de Crohn et la rectocolite :

  • Remettre le corps en mouvement : 3 x 20 minutes par semaines pour commencer. L’idéal étant de marcher au moins 5.000 pas par jour.
  • Les bains de forêt : au moins une fois par semaine. Parce que toutes les études prouvent que l’immersion dans la nature redonne de l’énergie.
  • Des activités ludiques : pour leur côté social, le partage…
  • Des activités qui émerveillent : comme l’écriture, la lecture, le chant…
  • Des activités qui reconnectent au corps : faire du yoga, prendre un bain… pour leur effet positif sur le stress.
  • Des bulles de repos : 15 minutes de repos toutes les heures et demie.

Au total, Laurent Moor conseille de se reposer une heure par jour et une demi-journée par semaine. Pendant ces moments, allongez-vous, promenez-vous, allez au jardin. En tout cas, déconnectez-vous ; regarder Netflix ou scroller sur les réseaux sociaux ne compte pas comme moment de repos.

Envie de faire une sieste ? Les siestes ‘flash’ (max. 20 minutes) sont à privilégier, mais jamais après 15h pour ne pas impacter le sommeil de nuit.

Comment retrouver un sommeil réparateur ?

Tout d’abord, la Prof Catherine Reenaers rappelle une règle fondamentale : « Pour éviter trop de diarrhées la nuit en période de rémission, mangez au moins trois heures avant d’aller vous coucher et évitez les aliments trop gras. Quant aux fibres, elles sont parfois tolérées, parfois pas. Il n’y a pas de régime standard, à vous de découvrir comment votre corps à vous réagit. »

Ensuite, il y a le côté mental : « Les personnes atteintes de rectocolite ou de la maladie de Crohn ont souvent un petit vélo dans la tête qui n’arrête jamais ; ils cogitent beaucoup sur leur maladie », affirme Laurent Moor. « Or, ruminer sans fin ne vous redonnera aucun contrôle sur votre maladie de Crohn ou votre rectocolite. »

Pour stopper le fameux petit vélo, Laurent Moor conseille de mettre en place des rituels le soir, comme ceux-ci :

  • Des exercices de respiration par le ventre et de relaxation musculaire
  • La boîte à soucis : une boîte physique dans laquelle on dépose symboliquement ses soucis le soir. Ou créez une image mentale : visualisez des portes qui donnent sur tous vos problèmes et refermez-les mentalement le soir.
  • Les trois kifs : remémorez-vous trois bons moments de la journée.
  • La visualisation : imaginez un lieu agréable avec tous vos sens. Créez-le comme un cocon sécurisant. Accompagnez éventuellement cet exercice d’une musique reposante.

« Tout ceci ne fonctionne que si vous en faites une habitude, un rituel à long terme », précise Laurent Moor.

MICI, fatigue & impact sur le travail

Si vous avez la maladie de Crohn ou une rectocolite et que vous souffrez de fatigue chronique, il y a de fortes chances que cela ait un impact sur votre travail. Or, la fatigue est un symptôme totalement invisible et obtenir la compréhension de son entourage est parfois compliqué, que ce soit dans la sphère privée ou au travail.

Toutefois, les choses vont dans le bon sens. « Ces maladies sont bien mieux connues aujourd’hui et de plus en plus, des aménagements sont possibles au travail », explique Katleen Franc de l’association Crohn-RCUH. « Quand vous reprenez le travail après une absence, par exemple, le conseiller en prévention ou le médecin du travail peut vous conseiller certains aménagements. Si votre employeur refuse, sachez que vous avez des droits : un arrêté royal stipule que l’employeur doit justifier son refus. Votre employeur peut même toucher une compensation pour votre baisse de rentabilité due à vos absences, via l’AVIQ en Wallonie par exemple. L’association est là pour vous aider et vous informer sur vos droits. »

Vous êtes en conflit avec votre employeur ou avec l’école de votre enfant atteint de la maladie de Crohn ou d’une rectocolite ? Signalez votre cas à l’association Crohn-RCUH, elle peut vous aider en les contactant.

Avertissement :
Ce texte contient des résumés des présentations faites lors de la soirée des patients du 10/01/24. Le contenu de ce texte reflète les points de vue des orateurs respectifs et pas nécessairement ceux de Takeda Belgium. Bien que tout ait été mis en œuvre pour assurer l’exactitude des informations fournies, nous n’assumons aucune responsabilité pour toute erreur dans le contenu. Les lecteurs sont encouragés à vérifier l’information de manière indépendante.