Le bien-être au quotidien
Le service de gastro-entérologie du CHU de Liège s’est fixé un défi : améliorer le bien-être des patients MICI, tant dans la gestion de leur maladie au quotidien que des facteurs concomitants, notamment la fatigue. Lors de la 2e journée informative des MICI du 24 mai 2019, les différents conférenciers ont présenté les outils développés pour atteindre cet objectif.
La prise en charge des patients atteints de maladie chronique a beaucoup évolué. D’une médecine ‘paternaliste’, où le patient n’avait pas grand-chose à dire, on est passé à un parcours où l’on vise l’autonomisation de ce dernier : il devient ‘acteur’ de la prise en charge de sa maladie. Cette nouvelle approche implique le développement de nouveaux services et de nouveaux métiers.
L’infirmierière de liaison
Au fil du temps, la médecine s’est nettement complexifiée. Au point que certains praticiens se sont spécialisés, notamment en gastro-entérologie. Pour coordonner les actions des différents médecins (généraliste et spécialiste) et assurer le relais entre ceux-ci et le patient, une nouvelle profession a vu le jour : celle d’infirmierière de liaison. L’équipe multidisciplinaire du CHU de Liège en compte deux, Nathalie Chapelier et Isabelle Dury, qui ont suivi une formation sur les MICI. « Nous apportons notre aide durant la consultation, nous planifions l’induction et le suivi des traitements, nous prenons les rendez-vous, nous délivrons certains documents administratifs. Notre rôle est aussi celui d’une personne ressource que le patient peut contacter en cas d’urgence, de crise ou s’il cherche des réponses à certaines questions. Nous sommes là pour le conseiller, pour lui offrir un soutien. Notre but ? Augmenter la qualité de la prise en charge du patient. »
La borne : un outil de consultation
Parmi les services innovants proposés par le CHU de Liège, pointons la borne présente dans les salles d’attentes de Brull et du Sart-Tilman. Avant chaque visite chez le gastroentérologue, le patient est invité à répondre aux questions qui lui sont posées sur la borne. À quoi servent les réponses ? Elles permettent au spécialiste de connaître l’impact de la maladie sur le quotidien de la personne malade, d’établir des scores pour évaluer la maladie et d’ainsi moduler le traitement et de le personnaliser davantage.
La coloscopie : un outil d’évaluation
Catherine Reenaers, gastro-entérologue au CHU de Liège, est bien consciente que la coloscopie est un examen dont la simple évocation fait parfois frémir certaines personnes. Pour la démythifier, rien de tel qu’une explication claire sur ‘le pourquoi du comment’. « À quoi sert une coloscopie ? Lors du diagnostic, elle complète la gastroscopie et l’entéro-RMN pour permettre d’évaluer les lésions coliques et grêles terminales en cas de maladie de Crohn. Pour la RCUH, nous pouvons ainsi nous rendre compte de l’extension des lésions. » On pratique également cet examen après un nouveau traitement afin de vérifier son efficacité, et dans certains cas particuliers – Crohn colique étendue ou rectocolite étendue. « Pour faire simple, la coloscopie doit être réalisée aux moments stratégiques de la maladie. » Heureusement pour ceux qui la redoutent, l’utilisation de marqueurs d’inflammation dans les selles (la calprotectine) en diminue la fréquence.
L’éducation thérapeutique du patient
Lucie Monin est responsable de l’ETP (éduction thérapeutique du patient) au sein du service de gastro-entérologie du CHU de Liège. La définition qu’en donne l’OMS est très claire : L’ETP vise à aider les patients à acquérir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. « Il s’agit d’un processus évolutif devant faire partie intégrante de toute prise en charge de patients atteints d’une maladie chronique », souligne Lucie Monin. Pourquoi ? « L’acquisition et/ou le maintien de compétences permet au patient d’améliorer sa santé, sa qualité de vie et celle de ses proches mais aussi de s’impliquer davantage dans sa prise en charge, de s’autonomiser. Ce qui a pour effet de diminuer les aspects psychologiques négatifs liés à la maladie. » Au CHU liégeois, plusieurs outils d’ETP ont été développés, notamment le ‘classeur patient’ qui reprend différents documents tels que les flyers de l’Association Crohn-RCUH, une brochure, des fiches thématiques, une application. Le programme d’ETP est proposé à différents moments-clés : l’annonce du diagnostic, le changement de thérapeutique, une opération chirurgicale, un désir de grossesse ou lorsque le patient exprime des difficultés dans la gestion de la maladie au quotidien.
Les points forts des études cliniques
L’un des atouts d’un centre hospitalier universitaire pour les patients est de leur offrir la possibilité de participer à des études cliniques. Ils ont ainsi un accès accru à de nouveaux médicaments (avant qu’ils ne soient disponibles), stratégies de traitement et outils d’évaluation. Ces recherches, dirigées par des médecins, aboutissent à l’approfondissement de l’expertise de l’équipe multidisciplinaire ainsi qu’au développement de ses connaissances, et au final, à une amélioration des soins apportés aux patients.
Reconnaître la réalité de la fatigue
Si le premier objectif des médecins est de soigner l’inflammation, ils doivent également s’intéresser à des problèmes ‘secondaires’ qui peuvent s’avérer très invalidants pour le patient, et y apporter des solutions. C’est notamment le cas de la fatigue résiduelle ou chronique, qui touche quasi toutes les personnes atteintes de MICI, même lorsque leur maladie n’est plus active. Professeur Édouard Louis du CHU liégeois : « Il peut bien sûr y avoir encore quelques carences, un peu d’anémie… mais nous ne devons pas nous arrêter aux seules causes biologiques, cliniques que nous maîtrisons. Rien n’est plus frustrant pour le patient que de s’entendre dire ‘je ne trouve pas d’explication médicale, pour moi tout va bien, je ne peux donc pas vous aider’. Reconnaître la réalité de cette fatigue, c’est déjà un premier pas positif. Ensuite, il s’agit de mettre en place d’autres stratégies pour aider la personne à agir sur cette fatigue. » Pour cette problématique aussi, disposer d’une équipe pluridisciplinaire au sein même du service de gastroentérologie est un réel atout. « Ici au CHU, l’une de nos infirmières de liaison se spécialise en hypnose, une autre en nutrition. Internaliser ces outils permet au patient de s’en saisir plus facilement », souligne le Pr Louis.
Le coaching-fatigue : un espoir pour les patients MICI
Pour dégager des pistes d’une meilleure gestion de la fatigue, il faut également comprendre le mécanisme psychologique qui est à l’oeuvre. « La fatigue n’est pas directement d’origine psychologique », explique le Pr Louis, « mais elle est induite par des dysfonctionnements que le patient s’impose à lui-même. » Lors de cette soirée du 24 mai, une démonstration frappante de cette dimension a été apportée par Laurent Moor, ‘coach-fatigue’ avec lequel collabore le CHU et qui a développé une approche novatrice de la gestion de la fatigue. Il a invité une patiente à participer à un petit exercice : en lui posant quelques simples questions sur sa manière de vivre au quotidien, celle-ci a rapidement admis se sentir coupable de ne plus pouvoir, à cause de sa maladie, accomplir certaines tâches, de ne plus ‘être à la hauteur’. « Il s’agit alors de s’attaquer non pas à la fatigue elle-même mais au problème de culpabilité », précise le Pr Louis. À cet égard, la technique de Laurent Moor est particulièrement efficace : « Résolument orientée ‘solutions’, elle vise à amener le patient, par le questionnement, à découvrir les ressources dont il dispose en lui-même, puis à les mobiliser afin de résoudre ses difficultés et d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés », explique-t-il. « L’intérêt est porté sur ce qui est réalisable et qui peut être changé plutôt que sur ce qui est inaccessible et ne peut être modifié. » Dans le cas de cette patiente, elle a compris en quelques minutes qu’elle avait besoin de prendre un peu de temps pour elle. Et que c’était parfaitement possible, sans nuire à la bonne tenue de sa maison et sans que son entourage en prenne ombrage. Que du contraire : aimant la lecture, se plonger dans un livre lui permettra recharger ses batteries ‘plaisir’. Et ce sera tout bénéfice pour elle et pour ses proches.