Journée nationale de l’IBD à l’hôpital Vésale
Le 22 octobre dernier, lors de la Journée nationale dédiée à la maladie de Crohn et de la rectocolite ulcéro-hémorragique, l’asbl Crohn-RCUH – association wallonne – organisait son colloque annuel. Une cinquantaine de personnes étaient présentes à Montigny-Le-Tilleul pour assister à cet événement passionnant.
Daniel De Bast, président de l’association : « Trois thèmes figuraient au programme cette année : de nouvelles perspectives au niveau de la flore intestinale et des traitements intéressants en cours de développement, la nutrition et les nouvelles approches diététiques, et pour conclure, un exposé sur les ‘besoins urgents’
Un après-midi d’information scientifique de ce type n’est pas seulement utile pour les médecins présents, les patients et leurs proches. Le fait de l’organiser lors de la Journée nationale de l’IBD attire également l’attention des médias. L’un de nos plus jeunes membres, Maïkel, a témoigné à la télévision dans plusieurs émissions. « Pour sensibiliser le grand public, nous avons également distribué des ballons dans quelques grandes villes belges, de concert avec l’association de patients flamande, CCV-vzw. »
Trop peur pour en parler
L’impact de la maladie de Crohn ou de la rectocolite ulcéro-hémorragique sur la vie du patient est apparu clairement avec le témoignage de Sabine. Cette maman de deux enfants vit depuis 26 ans avec une forme très grave de la maladie de Crohn. « Les premiers symptômes ont fait leur apparition lors de ma première grossesse. À cette époque, je n’ai osé en parler à personne. Cinq ans plus tard, au cours de ma seconde grossesse, j’ai dû me rendre aux toilettes jusqu’à 19 fois par jour. Ce qui m’a laissée totalement épuisée. Je me suis même évanouie après l’accouchement. Deux gastro-entérologues m’ont alors prise sous leur aile et j’ai construit une relation de confiance avec eux. »
Aujourd’hui, après de nombreuses hospitalisations, opérations et une stomie, Sabine est en rémission. Et ce depuis 8 ans. « Je suis à l’écoute de mon corps et je travaille à ma résistance en restant malgré tout positive. J’ai choisi la vie. »
2017, une année d’avancées médicales importantes
Président du Comité Médical, auquel il fera bientôt ses adieux, le docteur Fiasse, professeur émérite, a donné un aperçu clair de ce qu’est l’IBD : les symptômes, les causes possibles et l’état de la recherche aujourd’hui. « La découverte de la flore intestinale chez l’être humain a été d’une importance capitale. Aujourd’hui, il est possible d’étudier toutes les bactéries présentes dans nos intestins : les bonnes et les mauvaises, et leur influence sur notre organisme. »
Le docteur Fiasse a également souligné les hypothèses importantes suscitées par l’étude des causes de l’IBD. « La recherche sur la dysbiose bactérienne et les bactéries anti-inflammatoires a enregistré de grands progrès en 2017. » Il a ensuite évoqué l’impact des substances toxiques dans notre monde occidental pollué. « Comment se fait-il que l’IBD soit si rare en Afrique par rapport à l’Europe et aux Etats-Unis ? »
Sans gluten et vegan ?
Le second thème important de cette journée fut celui de la nourriture. Le professeur Hubert Louis, gastro-entérologue à l’hôpital Erasme à Bruxelles, s’est penché notamment sur les effets du gluten. Un régime sans gluten peut-il être positif pour les patients IBD ? En matière d’alimentation, il est capital de rester nuancé. « Que puis-je encore manger ? » est souvent la première question que me posent mes patients. Évoquer votre manière de vivre et de vous nourrir avec notre spécialiste de l’alimentation peut vous aider. La nouvelle pyramide alimentaire, qui recommande la consommation de grandes quantités de fruits et légumes, peut constituer un bon fil conducteur. Parallèlement, on voit émerger des tendances comme le sans gluten et le véganisme*. »
Le professeur Louis a également fait une intéressante comparaison avec les personnes souffrant de l’IBS, le syndrome de l’intestin irritable. « 30% des patients IBD sont également atteints d’IBS. La relation entre les aliments et l’IBS est bien documentée et peut servir de point de départ à de nouvelles habitudes alimentaires. »
Le régime FODMAPS, qui consiste à supprimer, puis à réintroduire des substances alimentaires dans le corps, peut aider les patients. Comme il s’agit d’un régime plutôt complexe, il conseille fortement de l’appliquer sous la direction d’un nutritionniste. « Il a été démontré que ce régime était bénéfique pour les patients, et que ceux-ci souffrent moins de leurs symptômes. 50 à 80% des patients se sentent mieux après l’avoir appliqué, comme l’ont montré plusieurs études à plus petite échelle. Mais la recherche reste nécessaire pour découvrir si le régime s’accompagne d’éventuels effets secondaires. »
Selon le professeur Louis, les fructanes, c’est-à-dire des chaînes complexes de fructoses, sont souvent à la base des symptômes ressentis par les patients IBD. Ceux-ci disparaissent en partie avec un régime sans gluten, mais surtout avec le régime FODMAPS et un régime classique. L’une des personnes présentes a voulu savoir si un régime vegan était un bon choix. En soi, cela ne présente pas de problème, à condition d’être bien accompagné, a précisé le professeur Louis.
18.250 euros
Ensuite, ce fut au tour de deux jeunes bénévoles enthousiastes de prendre la parole : Magaly (32 ans et patiente consécutivement de la rectocolite ulcéro-hémorragique et de Crohn depuis ses 13 ans), et Katleen (25 ans et patiente Crohn depuis 2006). L’une et l’autre ont lancé un vibrant appel. « Si vous avez moins de 30 ans, faites appel à nous ! » Au sein de l’Association CROHN-RCUH, elles ont fondé un groupe Facebook appelé ‘MICI jeune et belge !’, et depuis peu un compte Instagram portant le même nom. Elles organisent des activités avec et pour les jeunes. « Nous sommes très fières d’avoir pu recueillir 18.250 euros en 2016 avec le Crohn-o-bike. Cet argent est destiné à la formation de patients experts officiant comme soutiens d’autres patients. » Et ce n’est qu’un début…
Une flore intestinale saine grâce à une nourriture variée et de qualité
Après la pause-café, ce fut au tour des spécialistes en nutrition Marie Baréa et Arlette Guldentops, de l’hôpital Erasme à Bruxelles, de prendre la parole. Pour apporter des précisions sur ce que représentent une alimentation saine et un style de vie actif.
Marie Baréa : « Le but d’un régime est de vous permettre de vous sentir mieux, pas de proscrire certaines choses. Mais nous constatons que souvent les patients envisagent cela autrement. Ils sont 2 sur 3 à abandonner leurs aliments préférés par crainte d’une crise, 1 sur 5 adopte un programme alimentaire dont est exclu le restaurant. La nourriture ou la façon de la préparer ne sont pas à l’origine de l’IBD. Mais il peut exister une relation, qui accroît le risque de maladie. Un régime comportant beaucoup de graisses et de viande rouge est un facteur de risque.
Comme l’a déjà souligné le professeur Louis, les lignes directrices de la nouvelle pyramide alimentaire vont dans le sens de nos recommandations pour une alimentation saine et variée. Une flore intestinale saine est le résultat d’une alimentation variée et de qualité. Les patients en rémission ne doivent pas suivre de régime spécial s’ils respectent des habitudes alimentaires variées. »
En quoi consiste une alimentation variée et saine ? Ce thème a été détaillé par la nutritionniste Arlette Guldentops. Comment remettre en bonne position notre pyramide alimentaire souvent inversée ? « Bouger régulièrement est un premier pas vers un style de vie plus sain. Achetez un podomètre et efforcez-vous de faire chaque jour 10 000 pas.
À côté de cela, buvez beaucoup d’eau car c’est une source de minéraux, de calcium et de magnésium. En ce qui concerne les fruits et les légumes, nous avons souvent une idée erronée de la quantité nécessaire : sur base de portions de 125 grammes, vous avez besoin chaque jour de 3 portions de légumes et de 2 à 3 portions de fruits. »
La spécialiste a passé en revue les différents niveaux de la pyramide alimentaire en apportant des recommandations sur les portions et les alternatives alimentaires saines. Elle a également proposé un menu quotidien aux combinaisons et portions équilibrées, et ajouté quelques conseils pratiques.
Ainsi, les viandes maigres sont l’option la plus saine quant à la présence de graisses saturées : à ce niveau, 80 g d’entrecôte équivalent à 1 kg de filet de dinde ou 1 kg de cabillaud. Pour les bonnes graisses, fibres, protéines, vitamines et minéraux, une poignée de noix non salées par jour constitue une excellente source. Ce qui précède et de nombreuses autres informations intéressantes seront publiées dans la prochaine édition de Chronique, le magazine de l’association.
Osez en parler et évitez l’aggravation
Le colloque s’est clôturé par un passionnant exposé sur la manière de prévenir les crises soudaines. Le professeur Olivier Dewit, gastro-entérologue, a expliqué l’ensemble du processus en détail. « La connaissance détaillée de ces processus complexes permet aussi de mieux comprendre le traitement », a-t-il souligné.
L’incontinence anale ne concerne d’ailleurs pas les seuls patients IBD : 10% de la population de moins de 45 ans y est confrontée. Les problèmes se produisent à 3 niveaux : dans le côlon, le rectum et l’anus. Le professeur Dewit a détaillé les problèmes pouvant survenir à chacun de ces niveaux, en soulignant les caractéristiques spécifiques aux patients atteints de la maladie de Crohn ou de la rectocolite ulcéro-hémorragique. Et en évoquant les traitements ou médications possibles. Des explications qui ont permis aux patients présents de comprendre clairement pourquoi on leur prescrivait un traitement précis.
En raison de la honte que l’on peut éprouver, certains symptômes perdurent trop longtemps, ce qui aggrave la situation. « Osez en parler et soyez aussi précis que possible dans votre description. De nombreux traitements sont possibles, en fonction de la cause. N’attendez pas, car il est d’une importance cruciale de garder un rectum ou un anus en état de fonctionnement. Les traitements sont d’autant plus efficaces. »
Les adieux du professeur René Fiasse
En préambule au colloque, Daniel De Bast avait annoncé que le président du Comité Médical, le professeur émérite René Fiasse allait abandonner cette fonction au profit du professeur Olivier Dewit. L’après-midi s’est clôturée par une standing ovation du public et de tous les membres du Comité Médical, qui ont salué ainsi l’expertise, l’engagement et l’humanisme du précité. C’est un professeur Fiasse ému qui a souligné la grande force de l’association de patients : « la collaboration en symbiose entre médecins et patients est pour moi l’atout essentiel de cette association. Avec le professeur Olivier Dewit, le maintien de cette force est assuré. »
* Le véganisme est un mode de vie consistant à ne consommer aucun produit issu des animaux ou de leur exploitation.