Gérer la fatigue commence par la connaissance de soi

shutterstock_1044763150-1

La fatigue extrême et chronique est l’un des effets secondaires les plus fréquents de la maladie de Crohn et de la rectocolite ulcéro-hémorragique. Elle perturbe votre vie sociale, et suscite encore plus d’incompréhension dans le chef de votre entourage.

Laurent Moor est coach fatigue à l’hôpital universitaire de Liège. Cela signifie qu’il accompagne les patients atteints de MICI et qu’il cherche des solutions avec eux.  « Le pire dans la maladie, c’est la fatigue je pense », témoigne Shauni dans ses blogs. « Cela m’enlève la possibilité de faire tout ce que j’aime. Ou quasi tout ». Découvrez comment le coach Laurent Moor aide les patients MICI à trouver des solutions.

« Un coach ne propose pas de solutions aux patients. Il leur permet de les trouver en eux-mêmes et par eux-mêmes. »

Le coaching de Laurent Moor comprend cinq phases : 1. Tester sa fatigue à l’aide de l’IBD-F ; 2. Se délivrer ; 3. Apprendre à mieux se connaître ; 4. Objectiver la fatigue ; 5. Intervenir.

Combien de temps dure ce type de coaching ?

Il faut compter 100 jours et 4 à 8 séances. Laurent Moor : « Cela exige des efforts, de l’investissement, mais si le patient parvient à trouver lui-même des solutions à ses difficultés, le résultat n’en sera que meilleur. Parmi les progrès constatés, le patient apprend à retrouver des sources de plaisir, à restaurer des relations sociales, à reprendre le contrôle de sa vie, à rétablir une qualité de sommeil… Le plus important : le patient retrouve du plaisir à faire des choses qui rechargent ses batteries ».

Phase 1 : je teste mon niveau de fatigue

Le patient mesure son niveau de fatigue en utilisant un test validé dans la littérature scientifique : l’IBD-F. Il mesure ensuite l’impact de la fatigue sur sa vie quotidienne. Enfin, le patient s’interroge sur ce qu’il met en œuvre comme solution intuitivement.

Phase 2 : je me délivre de mes préoccupations

À travers trois outils, le patient apprend à se libérer de ses préoccupations. Le premier outil, l’arbre de vie, lui permet de réfléchir sur ses objectifs de vie et le sens de celle-ci, ses forces, ses défis, ses ressources et son environnement, ses réussites… Ensuite, il remplit la roue des priorités qui lui permet de visualiser toutes les casquettes qu’il assume durant une semaine. Laurent Moor : « L’intérêt de cet outil, c’est qu’il permet au patient de prendre enfin conscience qu’il ne consacre guère de temps à lui-même et que bien souvent il est assommé par un nombre très élevé de rôles ! C’est un appel à plus de quiétude ! » Enfin, le patient s’interroge sur ses sources de plaisir. Pour le coach Laurent Moor, « il est très important de remplir la batterie de plaisirs. Trop souvent, les patients ont renoncé à presque tout… et donc, ils souffrent d’une absence de plaisirs, petits ou grands ».

Phase 3 : j’apprends à me connaitre  

Laurent Moor : « Pour pouvoir accorder une place à la fatigue dans sa vie, il est important que le patient apprenne à se connaître. Lors du coaching, je travaille sur 5 clés mentales : les obstacles mentaux, c’est-à-dire ces pensées limitantes qui nous empêchent de nous dépasser, la faculté à fixer des objectifs SMART, le pouvoir du focus, le sentiment de contrôle ou le pouvoir du lâcher prise et enfin, le pouvoir des images. Pour permettre aux patients de nommer leurs émotions – ce qui est souvent difficile pour beaucoup de gens –, je leur propose d’utiliser des métaphores. Cela fonctionne très bien. Vous pouvez par exemple utiliser la métaphore de la batterie pour faire comprendre à votre entourage à quel point vous êtes fatigué. Mon leitmotiv : tout se fait pas à pas, step by step. »

Avec le patient, Laurent Moor dresse également l’inventaire de ce qu’il contrôle et ne contrôle pas. « Cela permet de prévoir les étapes nécessaires pour passer de la fatigue à l’énergie. Une fois retrouvé un sentiment de contrôle en ayant une meilleure vue d’ensemble de votre situation, vous pourrez aussi mieux planifier vos activités. » Il n’est pas possible de contrôler la fatigue elle-même, pas plus que les événements inattendus. En revanche, d’après Laurent Moor, vous pouvez contrôler vos activités, la qualité de vos soins, vos obstacles mentaux et votre engagement.

Phase 4 : j’objective ma fatigue

Comment démontrer à l’entourage l’impact de cette maladie sans visage ? Laurent Moor invite les patients à opérer une photo de la situation actuelle. « Plusieurs étapes : 1. Le patient identifie les signes de fatigue qui lui sont propres. 2. Il associe ces signes à un niveau de fatigue, ce qui permet au patient de dire : « Lorsque j’atteins un niveau 2, voici les signes qui me permettent d’anticiper le phénomène ». 3. Le patient consigne dans un journal les activités qu’il a faites durant 15 jours, les émotions qu’il a éprouvées, le niveau de fatigue ressenti. L’analyse de ces semainiers permet de mettre en évidence 3 types d’activités : les activités que le patient ‘doit’ faire obligatoirement, les activités que le patient aime faire, et les activités qui procurent de l’énergie. Cette ‘photo’ de la réalité quotidienne constitue généralement une révélation pour le patient et son entourage. C’est aussi le point de départ qui nous permet de voir ce sur quoi nous devons travailler. »

Après l’analyse des activités, Laurent Moor examine avec le patient ce qu’ils peuvent mettre en place. « Pouvons-nous simplifier la tâche ou la laisser tomber, serait-ce une bonne chose de répartir l’activité, quel est le meilleur moment pour prévoir une pause, comment pouvons-nous combiner des activités ayant un impact différent sur la fatigue ? » De cette analyse découle un plan d’actions, tel que l’établissement d’un agenda hebdomadaire, une modification des habitudes de sommeil, une reprise en main de son activité sociale, un travail sur son corps…

Phase 5 : je trouve des solutions

Il est temps de passer à l’action ! Laurent Moor aborde cette phase en trois étapes. Tout d’abord, il examine avec le patient les objectifs que celui-ci souhaite atteindre à court, moyen et long terme. Ensemble, ils déterminent comment ceux-ci modifieront la vie du patient et celle de son entourage, comment on peut considérer qu’un objectif est atteint, et ils listent les obstacles internes et externes qui pourraient entraver la réalisation de cet objectif. Ils anticipent également le changement. Comment l’entourage du patient va-t-il y réagir et comment le patient réagira-t-il à son tour aux réactions de son entourage ?

La dernière action de Laurent Moor consiste à élaborer avec le patient un plan étape par étape orienté solution – gérer la fatigue – qu’ils évaluent semaine après semaine. Quelles mesures le patient a-t-il arrêtées pour atteindre un objectif, comment s’y est-il pris, et comment se sent-il à cet égard ? Cette échelle permet d’y aller pas à pas, de prendre confiance en soi et d’apprendre ainsi, petit à petit, à gérer la fatigue de manière durable.

Oser à nouveau rêver

À sa connaissance, Laurent Moor est le seul spécialisé en Wallonie. « Pour le reste, je suis en train de former deux coachs supplémentaires, dont une coach bilingue. C’est mon épouse, Catherine Reenaers, qui m’a sollicité pour réfléchir sur la problématique. Elle est professeure au CHU de Liège. Elle s’occupe de patients MICI. J’ai mis en place ce parcours en collaboration avec le service de gastroentérologie du CHU de Liège et de nombreux patients.  Les résultats sont prometteurs. Je pense notamment au cas d’un homme au bord de la dépression à cause de sa maladie. En lui proposant un coaching intensif et en déterminant de nouveaux objectifs, il est progressivement sorti du fond du trou et aujourd’hui, il va beaucoup mieux. Il a depuis atteint plusieurs des objectifs qu’il s’était fixés : il a engagé quelqu’un et peut ainsi déléguer son travail – devoir renoncer à ses activités pour cause de maladie alors qu’il est indépendant représentait un gros problème pour lui. Il ose à nouveau poursuivre son rêve de devenir formateur, qu’il avait abandonné. »

Coaching en groupe

« Aujourd’hui, les patients diagnostiqués fatigués dans le service de gastroentérologie du CHU de Liège ont accès gratuitement aux séances de coaching. Des partenariats sont en train de se mettre en place en rhumatologie et en dermatologie ainsi qu’en oncologie à Erasme. J’ai ouvert plusieurs plages privées à Waremme et à Liège. Il sera bientôt possible de prendre rendez-vous en ligne. Un guide-fatigue sera disponible à la fin du mois d’avril et le site du clinique de la fatigue sera édité dans quelques jours. »

Plus d’info ? Surfez sur cliniquedelafatigue.be, envoyez un email à coachingfatigue@gmail.com ou au 0496 92 97 13