Comment vivre sa maladie au quotidien
Le 23 novembre dernier, l’hôpital Érasme de Bruxelles organisait sa deuxième journée consacrée aux MICI. Les premiers orateurs et oratrices se sont attachés à expliquer les origines de la maladie, sa prise en charge, les nouvelles approches thérapeutiques. Tout un volet de cette matinée était également consacré à la vie quotidienne d’un·e patient·e atteint·e d’une maladie inflammatoire de l’intestin : être enceinte et allaiter, gérer sa fatigue, son alimentation, mais aussi son stress, son anxiété et les aspects administratifs. Des interventions passionnantes et riches d’enseignements, dont voici le compte-rendu.
Les origines de la maladie
L’hypothèse actuelle ? Les MICI résultent d’une réponse inappropriée du système immunitaire digestif vis-à-vis de la flore microbienne intestinale chez un individu susceptible génétiquement de les développer. « Pour développer la maladie, il faut vivre en Occident », lance le professeur Denis Franchimont, qui évoque la ‘théorie de l’hygiène’, qui a un impact sur l’éducation de notre système immunitaire digestif : mal éduqué, il peut commettre des erreurs d’interprétation concernant la dangerosité de la flore microbienne. « Si sa réaction est inappropriée, celle-ci peut entraîner une dysbiose, rompant ainsi l’équilibre entre la barrière intestinale et le système immunitaire digestif. »
La prise en charge de la maladie
« Les MICI sont chroniques », explique la Dr Leila Amininejad, « il n’existe pas de traitement pour les guérir. Il est essentiel de poursuivre un traitement lui aussi chronique pour exercer un contrôle strict sur l’inflammation afin d’éviter les complications au long cours. » Différents paliers de traitements médicaux existent, que l’on choisit en fonction du profil du patient, des facteurs de risques, du stade de la maladie, de sa forme (compliquée ou non) ou encore des effets secondaires du traitement.
Les nouveaux traitements et approches thérapeutiques
« Depuis 2016, l’arsenal thérapeutique s’est étoffé. De nouveaux mécanismes d’action, ciblés, ont fait leur apparition », indique la Dr Claire Liefferinckx. « Et la recherche est toujours en cours. » Pourquoi est-il important de poursuivre ces recherches ? « Il faut sans cesse trouver de nouvelles molécules pour pallier l’absence de réponse primaire, la perte d’efficacité au fil du temps, pour lutter contre les formes très agressives de la maladie… » D’autres traitements, tels que la transplantation fécale, sont également à l’étude, notamment à l’hôpital Érasme pour les patients atteints de rectocolite.
Être enceinte et allaiter avec la maladie
Le message-clé de la Dr Anneline Cremer ? « Si vous souhaitez avoir un enfant, surtout, n’arrêtez pas votre traitement sans en avoir parlé avec votre gastroentérologue. » La plupart des médicaments sont sans danger avant et pendant la grossesse et lors de l’allaitement. Il est en revanche important que la maladie ne soit pas active, ni au moment de la conception ni durant la grossesse : « Vous éviterez ainsi les risques de perte de fertilité, de fausse couche, d’accouchement prématuré ou encore de petit poids du bébé à la naissance. Discutez donc rapidement de votre projet avec tous les soignants, si possible avant la grossesse. »
La fatigue et le sommeil
La fatigue est un symptôme que l’on retrouve fréquemment chez les patients MICI et qui impacte considérablement leur qualité de vie. « Si nous, en tant que cliniciens, voulons améliorer cette qualité de vie, nous devons nous attarder sur ce symptôme. Ce qui implique une prise en charge globale de la pathologie», explique Claire Liefferinckx. Une approche relativement complexe car les causes sont multifactorielles. « Il a été démontré que l’inflammation est une réponse immunitaire inappropriée qui entraîne la circulation dans notre sang de toute une série de cytokines clairement impliquées dans le développement de la maladie. » Il s’agit donc d’essayer de gérer cette inflammation. Mais l’anémie, l’altération métabolique, une mauvaise hygiène de vie peuvent aussi être liées à la fatigue et aux troubles du sommeil. « Notre prise en charge doit donc être adaptée à chaque patient », précise la Dr Liefferinckx.
L’alimentation
D’emblée, la diététicienne Pauline Van Ouytsel et la Dr Anneline Cremer tordent le cou à une idée reçue : « Si certains aliments ont été incriminés quant au développement de la maladie, rien n’a été prouvé. De même, aucun aliment ne peut déclencher une poussée, et aucun régime ne peut induire une rémission. À ce jour, en termes de prévention, on peut préconiser de privilégier une alimentation riche en fruits, légumes et acides gras oméga-3 et pauvre en acides gras oméga-6. » En cas de poussée inflammatoire très sévère, un régime pauvre en fibres peut être instauré par le gastroentérologue ou le diététicien. « Il sera suivi pendant une période courte et limitée. En période de rémission, mangez sain, varié et équilibré, en restant à l’écoute de votre tolérance digestive individuelle. »
Vivre la maladie avec sa tête et son corps
Lorsqu’ils s’adressent à David Vandenbosch – psychologue en thérapie cognitive comportementale et ACT (Acceptance and Commitment Therapy) –, nombreux sont les patients qui lui font part de solitude, de repli sur soi, de déprime, de sentiment d’incompréhension. Or, David Vandenbosch constate qu’en réalité, ces personnes font preuve d’adaptation, d’acceptation, de persévérance, de courage et d’affirmation de soi. « Et il en faut beaucoup pour gérer le quotidien quand on est malade. Simplement, elles n’en sont pas conscientes. » Le travail ici proposé est une thérapie d’acceptation et d’engagement. Elle vise à améliorer notre flexibilité psychologique, notre capacité à être présents à notre expérience sans la combattre ni la fuir. Elle cherche à changer certains comportements non utiles et nous propose d’investir notre énergie dans des comportements utiles pour nous-mêmes.
La pleine conscience
Sybille de Ribaucourt – psychothérapeute cognitivo-comportementale et instructrice de pleine conscience MBCT-MBSR certifiée – nous prévient : « On peut lire des tonnes de livres et écouter de nombreux orateurs, mais tant qu’on ne l’a pas expérimenté soi-même, on aura du mal à comprendre ce qu’est la pratique de la pleine conscience. » Sa définition, selon John Kabat-Zinn ? ‘La pleine conscience est l’état de conscience qui résulte du fait de porter son attention de façon intentionnelle sur la vie qui se déploie moment après moment, de façon non jugeante.’ Que peut apporter cette pratique aux patients MICI ? « Elle n’éliminera pas le stress, la douleur, la maladie… Mais elle va nous permettre de modifier la relation que nous avons avec ce qui est difficile dans notre vie. De créer un espace plus ouvert, d’élargir notre champ de vision pour tenir compte des autres éléments qui font aussi partie de notre réalité : le rire, la joie, l’amour, la chaleur humaine… »
Les aspects administratifs
Daniel Debast, président de l’Association Crohn-RCUH, a clôturé la matinée en parlant des divers aspects administratifs de la maladie : maximum à facturer, ticket modérateur et tiers payant, conditions d’octroi du statut de malade chronique, dossier médical global (DMG)… Il a également donné quelques explications et conseils concernant les assurances (assurance-hospitalisation, solde restant dû) : comment les choisir, ce à quoi il faut prêter attention, comment sont calculées les primes ou surprimes… Pour obtenir le détail complet de ces informations pertinentes et très précieuses, n’hésitez pas à vous adresser à l’association Crohn-RCUH. Vous trouverez un formulaire de contact sur son site.