Apprenez à gérer la fatigue et reprenez le contrôle de votre vie

La fatigue. C’est probablement la composante la plus sous-estimée et, dans le même temps, l’une des plus prépondérantes d’une MICI. Trop souvent, les patients l’acceptent comme une réalité inéluctable… Mais est-il possible de reprendre le contrôle et d’apprendre à vivre avec cette fatigue ? Voilà la question principale qui a été posée lors de la séance d’information organisée par le Centre Hospitalier Régional Sambre et Meuse (CHRSM) de Namur.

Le 9 juin dernier avait lieu la première séance d’information sur les MICI organisée par le Centre Hospitalier Régional Sambre et Meuse (CHRSM) à Namur. L’occasion parfaite pour mettre l’accent sur un thème fortement plébiscité par les patients : la fatigue, une facette des MICI trop peu souvent abordée, et qui atteint pourtant un grand nombre d’entre eux. Il est donc important d’en aborder ses causes ainsi que les stratégies permettant de la gérer. Comme l’explique Laurent Moor, coach mental & santé à la Clinique de la Fatigue de Liège : « La fatigue est une expérience subjective, sans visage, qui présente des symptômes multiples comme l’irritabilité, le manque d’énergie… C’est une sensation d’épuisement que ni la sieste, ni le repos ne viennent apaiser. »

Les mici gagnent du terrain

L’introduction par le Dr Benjamin Alexandre permet de rappeler que 30 000 à 35 000 personnes souffrent de nos jours d’une MICI en Belgique et que ce chiffre est en constante augmentation dans les pays industrialisés. Des maladies qui se traduisent par toute une série de symptômes comme les diarrhées, les douleurs, la perte de poids, l’inappétence, les saignements rectaux, la fièvre, l’arthrite, les atteintes cutanées et ophtalmologiques… et la fatigue. Dr Alexandre : « La fatigue est un symptôme majeur que l’on néglige souvent. Il est pourtant important de le reconnaitre, de le définir et de l’objectiver car son impact sur les patients est réellement déterminant, et il faut être vigilant à son sujet pour améliorer leur état de santé. »

Mais qu’est-ce que la fatigue, concrètement ? Et comment la traiter ?

S’il fallait mettre des mots sur ce qu’est la fatigue, le Dr Alexandre la définirait comme « une sensation de manque d’énergie et de motivation qui peut être physique, mentale ou émotionnelle. Cette sensation de grande lassitude physique et mentale persiste même après un bon repos. Elle impacte significativement la qualité de vie des patients en limitant leur capacité à travailler, à socialiser et à participer à des activités quotidiennes. Cette incapacité affecte la santé mentale des patients entrainant de la frustration, de la déprime et de l’anxiété ». Sa prévalence est d’ailleurs extrêmement élevée, avec 9 patients sur 10 qui déclarent en être atteints lors de la phase active de la maladie, et 2 sur 3 lors de la phase de rémission.

Dès lors, comment la traiter ? Le Dr Alexandre énumère une série de traitements possibles pour les patients en fonction de leurs symptômes : chercher des carences éventuelles, traiter l’inflammation pour l’amener à un état dormant, traiter les troubles du sommeil ou la dépression, ou encore faire du sport dans la mesure du possible.

Coaching et thérapies cognitivo-comportementales

Mais tous ces traitements ne sont parfois pas suffisants pour éliminer la fatigue. Des accompagnements par des coachs et/ou des thérapeutes spécialisés existent. C’est à ce moment-là qu’entre en jeu Laurent Moor qui dévoile, exemples à l’appui, certains de ses conseils pour briser le cercle vicieux de la fatigue et reprendre le contrôle de sa vie.

Laurent Moor : « Lorsque je commence à discuter avec un nouveau patient, j’essaie de l’amener à identifier exactement le type de fatigue qu’il ressent. Pour cela nous employons des tests comme l’IBD Disk, l’HAD (anxiété), le test du sommeil, du burn out (dans les cas les plus extrêmes)… pour réussir à en tracer le contour. Ensuite, l’idée est de mettre des mots sur la fatigue pour réussir à la décrire du mieux possible et estimer le ‘niveau d’énergie’ auquel le patient se trouve. Au fil des séances, le but est de l’aider à se construire une connaissance de ‘sa propre fatigue’. C’est une étape essentielle qui apporte une véritable délivrance, car le patient arrive enfin à la visualiser concrètement. Ensuite arrive le moment des solutions, c’est-à-dire quand nous mettons en place un plan de reprise de contrôle. Cela peut passer par la gestion des émotions et du sommeil, mettre le corps en mouvement, se connecter à la nature, s’adonner à des activités ludiques, faire des pauses de 15 minutes toutes les heures et demie, prévoir une heure par jour et une demi-journée par semaine rien que pour soi, éviter les écrans avant d’aller dormir… »

Un exemple très concret

En guise d’exemple, Laurent Moor invite Marie à le rejoindre sur la scène pour lui poser quelques questions, dans le but de montrer qu’il est relativement aisé de faire ressortir beaucoup d’informations en quelques minutes pour aider le patient à briser son cercle vicieux et à se lancer dans la reprise de contrôle.

Laurent Moor

La première question que Laurent Moor pose à Marie concerne son objectif. Celle-ci déclare vouloir être capable de refaire de la marche et de la course à pied sur une distance de 5 km dans un laps de temps de 6 mois à 1 an. Ensuite, il s’agit de déterminer la façon de savoir si l’objectif est bien rempli. Marie estime que sortir trois fois par semaine en alternant la marche et la course constituerait une réussite.

Laurent Moor lui pose ensuite une question plus atypique : « Atteindre cet objectif dépend-il de vous ? Ou bien d’autres personnes ? » « Bien que je vive avec mon fils », répond Marie, « cela dépend au final de moi ». Le tout est, dès lors, de savoir quels seraient les obstacles potentiels qui pourraient empêcher Marie d’atteindre son but. À cette question, elle répond qu’au-delà de certaines obligations familiales, c’est surtout une perte de courage, alors même que, par le passé, elle a remarqué que bouger lui permet de se sentir mieux.

En creusant un peu plus, Laurent Moor et Marie se rendent compte que cette dernière ressent plus de motivation quand elle va courir avec des amis. La discussion s’oriente donc vers les personnes qu’elle pourrait inviter à l’accompagner.
Une fois l’objectif, les obstacles et les potentielles solutions identifiés, Laurent Moor et Marie mettent en place un plan en différentes étapes pour pouvoir marcher les 5 km :

  • Étape 1 : réduire le temps de jeu sur le téléphone, programmer sa journée, avoir quelqu’un avec qui sortir.
  • Étape 2 : imaginer le parcours que Marie va faire en courant.

Pour conclure, Laurent Moor propose à Marie de mettre son plan à exécution à partir du lundi suivant, afin de pouvoir s’organiser.

Des questions ? L’ASBL Crohn RCUH vous répond !

La séance d’information se conclut par la présentation de l’association de patients Crohn-RCUH par Katleen Franc, sa présidente. Le but de l’ASBL ? Apporter aux patients une aide sur de multiples sujets, que ce soit pour répondre aux questions concernant les MICI, la mutuelle… Important à souligner : les informations communiquées sont toujours vérifiées par un comité médical et scientifique – une caractéristique par laquelle l’association se distingue. Si vous avez la moindre question concernant votre maladie, n’hésitez donc pas à consulter l’ASBL via l’un des différents canaux comme la revue semestrielle CROHNIQUE, le site www.mici.be et sa page Facebook, ou encore sa ligne téléphonique.

Par ailleurs, l’association représente les patients dans bien d’autres domaines, comme auprès du monde politique, d’instances officielles comme l’INAMI ou d’autres organismes (médecins, firmes pharmaceutiques…), et du grand public.

L’association mène ainsi différentes actions concrètes, dont la création du Passe-toilette qui confère à son détenteur un accès rapide aux toilettes d’établissements publics ou HORECA. Bonne nouvelle à cet égard : le passe est désormais reconnu et accepté à l’aéroport de Charleroi et à Walibi.

Cette année a également été marquée par le lancement des groupes de parole – limités à 15 personnes – qui sont animés par deux psychologues, elles-mêmes patientes, pour discuter de nombreux sujets qui impactent la vie quotidienne. Le premier avait pour thème la fatigue et la difficulté d’allier vie sociale et MICI. Le succès de cette édition confirmant que ces groupes répondent à une réelle demande, Katleen Franc invite les patients à consulter régulièrement la page Facebook de l’association sur laquelle seront indiquées les dates des prochaines rencontres.