35e journee nationale de conférences

ID/ Valentin Bianchi

La 35e journée nationale de conférences organisée par l’association Crohn RCUH a eu lieu le 21 mai 2022 aux facultés universitaires de Namur. Après un point sur les traitements actuels et la recherche d’une compliance toujours plus grande du patient à leur égard, trois autres thèmes d’importance ont été abordés : la prise en charge des jeunes patients MICI, le rôle de l’alimentation et l’impact bénéfique de la détente mentale sur notre corps.

Le Pr Olivier Dewit, premier intervenant de la journée, commence par un bref rappel : l’inflammation est un processus naturel de défense. Il permet de guérir une plaie, de combattre une infection. « Le problème des MICI, c’est que l’inflammation persiste », déplore le chef de service adjoint aux Cliniques universitaires Saint-Luc de Bruxelles. « Or, lorsqu’on n’arrive pas à contrôler l’inflammation chronique d’un organe qui sert de ‘réservoir’, celui-ci perd en élasticité et en fonctionnalité. C’est très handicapant pour les patients, même en l’absence de symptômes. »

En outre, cette inflammation chronique fait courir un risque accru aux patients MICI de développer un cancer du côlon par rapport à la population générale. La cicatrisation des lésions – notamment de la muqueuse – a donc fait l’objet de toutes les attentions au cours des vingt dernières années, car elle est essentielle pour prévenir ce type de complication et d’autres comme les rétrécissements ou les fistules.

Un traitement personnalisé

Mais au-delà de cet objectif primordial, l’idée est de « changer l’histoire naturelle de la maladie ». Pour ce faire, il est important de bien connaître sa spécificité : « Une maladie de Crohn ou une rectocolite n’est pas l’autre, un profil n’est pas l’autre, chaque patient est différent. C’est pourquoi un suivi du patient est mis en place. » Il subit ainsi une série d’examens qui permettent au gastro-entérologue de contrôler, au-delà des symptômes, les paramètres de l’inflammation : dosage de la CRP, de la calprotectine (l’un des examens-phares du suivi), échographie qui permet d’avoir une image anatomique de l’intestin, résonance magnétique (examen de référence pour l’intestin grêle) et coloscopie.

Les résultats de ce dernier examen – la coloscopie – pèsent particulièrement sur les décisions relatives au choix du traitement. Des décisions prises en concertation avec le patient. « Parce qu’au final, c’est lui qui fera l’expérience du traitement. » Faire le bon choix, c’est « trouver un équilibre entre les objectifs du médecin et ceux du patient. »

L’accueil des jeunes patients mici

Audrey Gonzalès avait 12 ans lorsqu’elle a ressenti les premiers symptômes, 15 ans quand on lui a diagnostiqué une rectocolite hémorragique. Si c’est aujourd’hui une jeune ergothérapeute épanouie, « la brutalité de l’annonce et la solitude qui s’en est suivie m’ont beaucoup marquée », affirme Audrey, également bénévole au sein de l’Association Crohn-RCUH. « De plus, les explications n’étaient pas adaptées à mon jeune âge. Un gros travail reste à accomplir au niveau de l’annonce du diagnostic aux jeunes patients. »

La Dr Alexandra Bobarnac, gastro-pédiatre à la Clinique CHC MontLégia de Liège, partage cet avis : « Une prise en charge psychologique adéquate est cruciale. L’annonce d’une maladie chronique au début de l’adolescence peut avoir des répercussions importantes sur les interactions sociales, le déroulement de la scolarité, et plus tard sur l’insertion professionnelle. »

Rassurer les parents

Pour les parents aussi, l’annonce du diagnostic est une expérience marquante et douloureuse, parce qu’elle assombrit leurs projets d’avenir. La qualité de l’information qui leur est transmise est fondamentale : ils sont plus rassurés si elle est adéquate et qu’ils sont en mesure de la retenir.

Dr Bobarnac : « Avec l’équipe infirmière et les patients, nous avons mis sur pied un questionnaire afin de savoir quels étaient les éléments les plus importants à utiliser pour aider les enfants et les parents après le diagnostic. Nous référençons toutes les personnes de contact auxquelles ils peuvent avoir un accès direct, et nous créons un réseau de soins continu pour répondre à leurs questions immédiates. »

Traiter la maladie de crohn pédiatrique

La maladie de Crohn est une pathologie peu connue en pédiatrie. Un retard de croissance est parfois l’unique manifestation de cette maladie chez l’enfant, pendant plusieurs mois voire plusieurs années. La surveillance de cette croissance est d’ailleurs indispensable jusqu’à la fin de la puberté chez les patients atteints de la maladie de Crohn.

L’optimisation de la croissance sera par conséquent l’un des objectifs du traitement. Quant aux autres, il s’agit, comme chez l’adulte, de la disparition des symptômes et de l’amélioration de la qualité de vie, en réduisant au minimum les effets secondaires liés au traitement. Dans la majorité des cas, la thérapie associe un traitement d’induction à un traitement d’entretien.

Maintenir le lien social

Actuellement, la nutrition entérale est le traitement de premier choix de la maladie de Crohn, plusieurs études ayant confirmé son efficacité tant sur les lésions inflammatoires de l’intestin grêle que du côlon.

Le hic, c’est que ces traitements nutritionnels entraînent un taux d’hospitalisation plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte et que la nutrition entérale, dont la durée varie entre 6 et 8 semaines, peut s’accompagner d’une détresse psychologique parfois majeure, surtout chez les adolescents. Lors de la mise en place d’une nutrition entérale exclusive, « le maintien de la scolarisation habituelle doit être privilégié. Si ce n’est pas possible, une scolarisation temporaire à domicile doit être proposée. »

Trouver l’équilibre

Parlant de nutrition, il est certainement utile de souligner qu’aucun régime particulier ne permet de guérir une MICI, comme le rappelle Pauline Van Ouytsel, diététicienne spécialisée dans la prise en charge des pathologies digestives : « Il n’existe pas non plus d’aliments qui déclenchent les poussées inflammatoires. Aucun régime ‘anti-inflammatoire’ n’a à ce jour prouvé son efficacité. Cela étant, il reste primordial d’adapter le régime à la tolérance digestive individuelle du patient et aux phases de la maladie, sans exclusions abusives. Le but de l’alimentation étant d’améliorer le confort digestif et de couvrir les besoins nutritionnels du patient. »

Quels sont alors les conseils de la diététicienne ? « Composez une assiette équilibrée. Celle-ci comprendra des féculents pour l’apport énergétique, une source de protéines (viande, volaille, poisson, alternative végétale…) et des légumes. » On notera aussi qu’en période de rémission, on peut consommer des céréales complètes, plus riches en minéraux, vitamines et fibres.

Pas d’interdits !

Il n’y a pas d’aliments interdits. Les fruits et légumes font partie intégrante d’une alimentation équilibrée, même en cas de MICI. Quant aux produits laitiers, ils sont importants pour le métabolisme (apport en calcium, vitamine D, protéines). Seule une intolérance passagère au lactose est parfois observée en période de poussée.

Les bienfaits de l’attention

« Arrêter le flux des pensées est impossible. En revanche, concentrer son attention sur soi-même, avec bienveillance, peut nous amener à nous sentir davantage détendus. Et donc à être moins perturbés par notre environnement. »

Stéphanie de Gourcy est kinésithérapeute et sophrologue au centre de bien-être ‘La rose des vents’ et au service de cancérologie de la clinique Sainte-Elisabeth de Namur. Au fil de sa pratique, elle a constaté combien l’état modifié de conscience qu’engendre cette attention centrée a un impact positif majeur sur notre corps, par l’activation des ondes alpha, à savoir les ondes d’endormissement et de réveil. « Actuellement, toutes les revues médicales parlent de l’influence énorme de cet état d’intériorité sur notre bien-être physique. »

La bonne nouvelle, c’est que la pratique soutenue de la sophrologie, de la méditation, ou encore de petits exercices de respiration, nous aidera à calmer notre système nerveux et nous permettra, avec de l’entraînement, à atteindre cette détente bénéfique partout, et à tout moment.

Aux côtés des patients

La clôture de cette journée revient à Katleen Franc, qui a récemment repris la présidence de l’Association Crohn-RCUH : « Notre but est d’apporter aux patients une information claire et de qualité. Nous avons la chance de travailler en étroite collaboration avec un comité médical et scientifique. Les infos que nous fournissons sont toujours vérifiées et toujours pertinentes. Un gage de qualité et de fiabilité très important. »

D’autre part, des patients actifs au sein de l’association – comme Katleen Franc ou Audrey Gonzalès par exemple –, tous bénévoles, témoignent de leur expérience et répondent aux questions que les unes et les uns se posent, sur le site www.mici.be, lors de permanences téléphoniques, ainsi que sur la page et le groupe Facebook de l’association. N’hésitez pas à les consulter !